Le match : villes pro voitures vs villes sans voitures

Faut-il bannir les voitures des centres-villes, ou à l’inverse leur redonner une place de premier rang pour satisfaire les automobilistes ? Une question sur laquelle s’affrontent plusieurs villes ces dernières années, chacune d’entre elles défendant leur position.

« Parmi ses nombreuses sources, la pollution la plus nocive est celle issue du trafic routier ». C’est en ces termes qu’un collectif de médecins et chercheurs ont débuté leur tribune publiée dans Les Echos et intitulée : « Réduire le trafic routier pour réduire l’impact sanitaire de la pollution ». Et de rappeler que « habiter à moins de 75 mètres d’un axe à fort trafic augmente de 38 % la mortalité cardio-vasculaire, mais aussi de 22 % le risque d’accident vasculaire ischémique et majore à terme le risque de démence, de diabète, de cancer du poumon ». Si l’argument sanitaire semble implacable, notamment au sein des grandes agglomérations, nombres de petites et moyennes communes font à l’inverse le choix de privilégier les voitures en ville, afin de satisfaire les automobilistes et… les commerçants ! Pour quels résultats ? Le match est lancé.

Bientôt des villes sans voitures ?

Les voitures seront-elles bientôt bannies de Paris ? C’est en tout cas le souhait de la maire Anne Hidalgo, qui a annoncé la fin des véhicules diesel à partir de 2024, et s’est positionnée pour une interdiction similaire à l’horizon 2030 pour ceux à essence. Seuls les véhicules électriques seraient donc autorisés à circuler dans les rues de la capitale. Et si la mesure peut sembler radicale, elle s’inscrit pourtant dans un mouvement plus global de « zéro voitures » observé un peu partout en Europe. À Oslo (634 000 habitants), en Norvège, la municipalité s’est ainsi engagée à bannir les voitures de l’hyper centre d’ici 2019, soit une superficie totale de 1,7 km2 entièrement réservée aux piétons et cyclistes. Plutôt que d’interdire et sanctionner, Hambourg, deuxième ville allemande (1,8 millions d’habitants), a de son côté présenté un grand projet de « réseau vert », qui a pour ambition de rendre les quatre-roues inutiles d’ici 2034. « Dans 15 à 20 ans, vous serez en mesure d’explorer la ville exclusivement à vélo et à pied », a expliqué la porte-parole de la ville, Angelika Fritsch.

Si en France, la voiture reste un moyen de déplacement incontournable dans les petites et moyennes communes, ce n’est pas forcément le cas ailleurs en Europe.

Le tout à pied, à vélo ou en transport public est-il pour autant transposable dans des agglomérations de plus petites tailles ? Si en France, la voiture reste un moyen de déplacement incontournable dans les petites et moyennes communes, ce n’est pas forcément le cas ailleurs en Europe. En Angleterre, Oxford (160 000 habitants) a dernièrement annoncé vouloir devenir la première ville du Royaume-Uni à interdire tout véhicule à moteur d’ici 2030. Une démarche entreprise depuis quelques années déjà par Pontevedra (83 000 habitants), en Espagne. La ville galicienne a interdit le transit en centre-ville dès 1999, et la durée de stationnement dans les quartiers alentours a été limitée à 15 et 30 minutes afin de ne pas pénaliser l’activité économique. Le commerce de centre-ville affiche d’ailleurs sa bonne santé, et la crainte d’une fuite des consommateurs vers les enseignes périphériques ne s’est jamais matérialisée, tout simplement parce que la municipalité a voté en parallèle l’interdiction pour les grandes foncières de s’implanter à proximité de la ville.

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Saint-Etienne, La-Roche-sur-Yon, Angers… ces villes françaises qui plébiscitent les voitures

À contre-courant du mouvement « zéro voitures » qui se dessine un peu partout en Europe, plusieurs villes françaises ont fait le pari du retour de l’automobile pour dynamiser le commerce. À La-Roche-sur-Yon, la première heure de stationnement est désormais gratuite en centre-ville, et la gratuité totale a été instaurée pour la journée du samedi. « Les clients reviennent progressivement, preuve en est la baisse du nombre de cellules vacantes », certifie Cyril Bréhéret, conseiller municipal chargé du commerce. Même son de cloche à Angers, où la commune a également décidé de rendre la première heure de parking gratuite. « Notre logique c’est que les citoyens doivent pouvoir accéder au centre-ville avec les moyens dont ils disposent, et la voiture en fait partie », justifie Karine Engel, adjointe au commerce. Une politique qui plait visiblement aux commerçants, à l’image de l’association Les Vitrines d’Angers, qui se félicite d’avoir été entendue.

« Notre logique c’est que les citoyens doivent pouvoir accéder au centre-ville avec les moyens dont ils disposent, et la voiture en fait partie »

De quoi inciter d’autres municipalités à suivre ce chemin, consciente aussi qu’il y avait ici un enjeu électoral. Saint-Etienne, Nevers, Béthune… Autant de communes qui ont choisi de refaire de la place aux voitures pour redynamiser le commerce. « Le problème c’est que plusieurs communes ont décidé de la gratuité sans même se poser la question de savoir si cette solution leur était vraiment adaptée, nuance Olivier Razemon, journaliste et auteur du livre « Comment la France a tué ses villes ». Certaines ont donc été contrainte de faire machine arrière, au moins sur quelques rues, comme à Quimper ou Montbéliard. A Brest également, beaucoup d’automobilistes ont pris le prétexte de la gratuité pour se garer n’importe comment, l’espace public devient pollué et en conséquent ça nuit aux commerces. » Nuisibles ou pas, il faudra de toute façon patienter un peu afin de pouvoir mesurer l’impact réel de ces politiques favorables aux voitures. A condition qu’elles survivent aux prochaines élections municipales…

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